Résumé de la prochaine séance 2024

Séance mensuelle du samedi 20 avril 2024,

à Bletterans, à 15 heures

 

Un couple fouriériste : les Mignerot
parents de la femme de lettres Marie-Louise Gagneur

par Vincent Claustre

Cet exposé s’intéresse aux trajectoires de Claude Corneille Mignerot (1798-1884) et de son épouse Césarine Martin (1809-1887). Des personnages évoqués incidemment dans les biographies de leur fille, la femme de lettres et militante Marie Louise Gagneur, et de leur petite fille, la sculptrice Syamour, desquelles ils sont restés très proches tout au cours de leur longue vie.

Né en 1798 à Desnes, fils de Denis Mignerot, notaire à Bletterans, adjoint puis maire de cette ville (1821-1830), Corneille Mignerot a repris la charge de notaire de son père en 1825. Il épouse en 1827 Césarine Martin, originaire de Cuisery. Il abandonne sa charge de notaire après l’assassinat de son père en juin 1830.

Le couple se retire un temps dans la propriété familiale de Desnes, puis s’installe dans le secteur de Voiteur, où Corneille engage une reconversion dans la production et la commercialisation de vins champagnisés. Il acquiert des propriétés à Domblans, Voiteur et Menétru-le-Vignoble, installe son commerce à Lons, dispose d’une antenne à Paris et d’un revendeur à Lyon…

Il adhère en 1838 à la Société d’émulation, en même temps que plusieurs autres fouriéristes, dont Wladimir Gagneur, qui fait connaître aux Mignerot la doctrine de Fourier, dont Césarine devient une fervente adepte et le restera sa vie durant.

La famille va ainsi participer à l’expérience phalanstérienne de Cîteaux entre 1841-1844. Corneille, d’après ses propres dires, aurait lui-même avancé l’idée d’utiliser le domaine de l’ancienne abbaye, dont Marcel Monnier, ancien condisciple de Considérant à Polytechnique, s’était rendu co-propriétaire, pour tenter une expérience de phalanstère, ce projet ayant pris corps grâce à l’investissement du riche sympathisant écossais Arthur Young. Mignerot brade ses stocks et abandonne son commerce pour y rejoindre son épouse et ses enfants. Dans une longue lettre au journal La Sentinelle du Jura, qui avait insinué qu’il y « suivait » son épouse, il précise ses convictions sociales et sa propre adhésion à ce projet. La famille Mignerot sera l’une des dernières à quitter Cîteaux, après l’échec de cette expérience.

Mignerot revient à Lons. Il fait partie lors de la Révolution de 1848 du comité républicain s’étant substitué à la municipalité. Il s’installe ensuite à Paris où il tente une nouvelle reconversion dans la banque.  

La trajectoire pendant ce temps de Césarine reste à préciser. Elle aurait rejoint Arthur Young à Paris, où décède en1845 sa fille aînée. Sa cadette, Marie Louise, fréquente alors jusqu’à ses 18 ans un pensionnat des Fidèles compagnes de Jésus, peut-être dans leur établissement élitiste situé auprès de la maison-mère de cette congrégation à Carouge, en périphérie de Genève.  Césarine et Marie Louise séjournent ensuite en Angleterre, accueillies chez l’un des frères d’Arthur Young. La famille se retrouve réunie, en apparence, à Paris, où la jeune Marie Louise épouse en 1855, civilement et religieusement, en grandes pompes républicaines, Wladimir Gagneur, de retour de son exil bruxellois. Le jeune couple s’installe dans leur propriété de Bréry où naît en 1857 leur fille Marguerite. Corneille et Césarine viennent les y rejoindre en 1860, au moment où Marie Louise entame sa carrière littéraire. Corneille, qui s’occupait du domaine de son gendre, y décède en 1884. Césarine est retournée entre-temps, dans le milieu des années 1860, vivre à Paris où elle se lance dans un projet d’inspiration fouriériste, la création en 1870 du Cercle des familles. Ce Cercle, installé près du Palais Royal à Paris, sera fermé en 1873, pour avoir hébergé des réunions clandestines de leaders radicaux. Ce qui vaudra aussi à Césarine d’être condamnée à une forte amende. Césarine s’implique encore dans d’autres projets fouriéristes, initiés notamment par Marie Louise, résidant désormais à Paris avec son époux Wladimir, élu député en 1869 et constamment réélu depuis 1873. Césarine décède en 1887. Elle est alors domiciliée à la même adresse que Victor Poupin, proche collaborateur de Wladimir et ami de la famille, et depuis peu député du Jura.